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Questionnement et méthodologie de la recherche « féministe de genre »
Le récent débat sur la prostitution, survenue à l'occasion des lois Sarkosy, tendant à une pénalisation du racolage passif ont suscité dans les milieux féministes et antipatriarcaux des débats animés révélant des motifs profonds de divergences. Un courant prenant le parti des femmes prostituées menant des actions contre les nouvelles lois tendant à les criminaliser ou à les rendre invisibles, avec tous les risques encourus ( main-mise des réseaux mafieux facilitée, problème de prévention du SIDA ) et l'autre courant que lon pourrait qualifier d'abolitionniste, considérant que la prostitution est la manifestation de la pire des dominations masculines ( achat du corps d'une femme ).
Toutefois le débat révéla un élément important mais sous-jacent, apparemment assez incompréhensible de prime abord : pourquoi les féministes abolitionnistes refusaient-elles d'écouter ce que les femmes prostituées avaient à dire ?
Phénomène curieux et encore plus paradoxal : non seulement, il y avait refus de prendre en compte le discours des femmes les plus stigmatisées ( concernant le stigmate « pute » et ses implication pour les femmes lire ici ) mais il y avait tentative de discréditer la parole de ces femmes (manipulées par les macs, infantilisation ). On aurait pu imaginer que toutes les féministes soutiennent la lutte des femmes prostituées pour leur émancipation des réseaux et pour leur reconnaissance sociale, il n'en fut rien de la part de ce courant que l'on pourrait qualifier de « féministe de genre » ( traduction de feminist gender ) ou de féminisme radical matérialiste.
Qu'est-ce qui caractérise ce courant du féminisme ? La place centrale accordée aux rapports sociaux de sexe dans ses analyses. Nous allons voir comment ce paradigme les conduit à ne plus écouter les femmes passant du statut de sujet dans l'histoire à celui « d'un objet dans la théorie »
Examinons tout d'abord la méthodologie de la recherche « féministe de genre », pour cela nous utiliserons comme base de travail le texte «qu'est-ce que la recherche féministe ? » particulièrement intéressant, car il prétend couvrir l'ensemble de la recherche féministe mais dans les faits ne décrit que la recherche vue à travers « d'un prisme d'analyse, celui des rapports sociaux de sexe ».
Ce texte nous explique comment la recherche « féministe de genre » à opéré une sorte de révision de la recherche féministe : « Bien que la recherche féministe puisse être définie comme étant généralement faite sur des femmes, par des femmes et avec des femmes, plusieurs auteures s'accordent pour affirmer qu'il sagit dune étape transitoire de son développement (Dagenais 1996 : 11). La constitution des femmes en « objets » de recherche, fondée sur leur reconnaissance comme « sujets » historiques, politiques et épistémologiques, a représenté une étape essentielle dans la recherche féministe ».
Ainsi, alors que l'on pensait, à juste titre d'ailleurs, que la recherche féministe étudiait les femmes comme sujet historique et politique de transformation sociale, le « féminisme de genre » considère qu'il ne s'agit que d'une étape et donne l'explication de ce revirement théorique : « c'est en devenant « un sujet dans l'histoire » que les femmes sont devenues « un objet dans la théorie » (1992 : 82). » Voilà qui semble tout de même significatif rien qu'au niveau du vocabulaire : de sujet à objet !
Le mouvement des femmes avait donc été l'occasion pour celles-ce de devenir un sujet dans l'histoire, ce qui est incontestable et grâce à la révision théorique opérée par le « féminisme de genre », voici les femmes devenues un objet dans la théorie des rapports sociaux de sexe. Il est vrai que la faiblesse actuelle du mouvement féministe, passant d'une multitude de groupes femmes implantées sur tout le territoire à un repli sur un féminisme de laboratoire universitaire a pu permettre une telle OPA et une telle « instrumentalisation » des femmes.
Mais poursuivons pour découvrir comment la recherche « féministe de genre » n'étudie plus les femmes mais une catégorie sociale sexuée dans le cadre des rapports sociaux de sexe : « Ce sont toutefois les processus mêmes de division et de hiérarchisation, qui constituent les femmes et les hommes en catégories sociales sexuées et qui en font des objets et des sujets dans la recherche, qui sont au coeur des analyses féministes. La recherche féministe se construit ainsi sur la base d'un nouveau regard, celui des rapports sociaux de sexe, plutôt que d'un nouvel objet, celui du groupe social « femmes» (Laurin-Frenette 1981). Elle est « une forme d'analyse scientifique engagée de la société, ayant comme point de départ, angle d'approche privilégié et variable fondamentale, les rapports sociaux de sexe. » (Dagenais 1996 : 11). »
Il ne sagit donc plus désormais d'étudier le groupe social des femmes comme sujet historique mais un objet dans une recherche ayant comme variable fondamentale ( invariable pourrait on dire plus justement ) les rapports sociaux de sexe. Il sagit donc « d'une transformation plus radicale du regard porté sur le monde » puisque cela revient ni plus ni moins à reconnaître les « rapports sociaux de sexe comme facteur de division et de hiérarchisation dans l'ensemble de la vie sociale ». On comprend dès lors quil s'agira de vérifier à chaque fois le bien fondé de la théorie plus que de comprendre le réel, ce tour de passe-passe théorique étant possible puisque les femmes de sujet sont devenues objet du présupposé.
Nous comprenons mieux maintenant pourquoi le « féminisme de genre » refuse d'écouter ce qu'ont à dire les femmes prostituées réelles, parties prenantes et actrices d'un mouvement social, tout simplement parce que leur discours contredit l'analyse des rapports sociaux de sexe ! Au mieux ces femmes deviennent invisibles et n'existent pas, au pire ...
Car le but premier de la recherche féministe de genre n'est pas d'appréhender la réalité pour en construire une interprétation mais de partir de cette interprétation particulière de la réalité vue sous l'unique prisme des rapports sociaux de sexe et d'en décliner les différentes facettes et si l'objet de l'étude ne se plie pas au paradigme, eh bien il ne faut pas "désespérer Billancourt" : "La recherche-action féministe va même plus loin, puisqu'elle exige non seulement que la recherche n'ait pas d'effets négatifs sur les participantes, mais qu'elle ait des effets positifs sur leur capacité de comprendre le monde et de le transformer". Tout ce qui ne va pas dans le sens souhaité doit donc être tu.
Comment a-t-on pu en arriver là ? C'est que le « féminisme de genre » est devenu une pure idéologie, un dogmatisme qui s'auto-justifie par un résonnement en boucle ( notre critique ne vise ici que ce courant et absolument pas le féminisme dans son ensemble ) : partant d'un présupposé : tout est rapports sociaux de sexe, la recherche ne vise plus qu'à justifier l'hypothèse.La boucle est bouclée et pour paraphraser une phrase célèbre : « si les femmes ne sont pas d'accord avec nous, nous les dissoudrons et nous en éliront des autres ! »
Ecrit par libertad, le Jeudi 12 Décembre 2002, 17:42 dans la rubrique Féminisme pour l'égalité.