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Marcela IACUB : un nouveau féminisme ?*
Lu sur Forum Chiennes de garde : "Je sais qu’il n’est pas toujours évident d’être à l’encontre du courant de pensée dominant, mais j’ai lu le bouquin de Iacub et franchement, je trouve qu’il est exagéré de la considérer comme notre pire ennemie. Au contraire, j’y trouve un tas d’éléments intéressants et une certaine critique des revendications féministes qui me donne matière à réflexion, et qui m’interpelle en tant que féministe.

J’ai trouvé qu’elle avait un point de vue qui était fondamentalement féministe mais qu’elle refuse l’étiquette « féministe » en raison de la mauvaise image que cette étiquette a dans la société et en raison de sa méconnaissance de l’ensemble des points de vues et revendications féministes.

Je m’explique.

Elle part du postulat que toute femme doit pouvoir utiliser son sexe comme bon lui semble, en toute liberté, sans tabou et sans contrainte morale, religieuse, sociétale, machiste. Elle considère donc qu’une femme a le droit d’avoir des partenaires multiples, de participer à des partouzes, de tourner des films pornos, voire d’utiliser son sexe pour gagner de l’argent. La femme est maîtresse de son corps et donc aussi maîtresse de son sexe. Et sur ce point, je suis 100% d’accord avec elle.

Son deuxième postulat, c’est la question du consentement. Selon elle, toute femme doit être considérée comme capable d’exercer son libre arbitre et la société doit considérer que lorsqu’elle pose des actes ou fait des choix, ce sont des actes et des choix librement consentis. En tant que féministe, je la rejoins également à 100% : c’est une fameuse victoire féministe d’avoir octroyé aux femmes la capacité d’exercice de leurs droit, sans avoir besoin d’un « tuteur » (père, époux) pour des actes juridiques les plus basiques comme ouvrir un compte bancaire.

A partir du moment où quelqu’un développe des idées sur base de 2 postulats auxquels j’adhère, je me dis que ses idées ne son pas forcément toutes mauvaises et j’essaye d’analyser le fond de sa pensée.

En ayant lu son bouquin « le crime était presque sexuel » et diverses interviews d’elle, et en ayant lu les réactions sur ce forum, je peux dégager les points de friction (ou plutôt d’incompréhension mutuel) suivants :


1. La prostitution et la question du consentement
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Puisque sa logique c’est :
- toute femme est libre d’utiliser son corps et son sexe comme elle le souhaite
- toute femme est libre d’exercer ses droits, à savoir notamment conclure des contrats
=> toute femme doit être libre d’utiliser son sexe pour gagner de l’argent.

Sur ce point, je suis aussi d’accord avec elle.

Le problème :
- elle n’évoque pas la question du proxénétisme et de la traite des êtres humains. Là, on peut lui répondre de façon argumentée et il serait intéressant de voir son opinion sur ce sujet (je n’ai vu nulle part dans son bouquin évoquée la question du proxénétisme. Elle ne se base que sur les prostituées libres pour développer son argumentation)
- certaines d’entre nous remettent en question la notion de consentement de la prostituée libre (en résumé : une femme se prostitue parce qu’elle a été abusée dans son enfant et a une mauvaise image de son corps ou une femme se prostitue parce qu’elle n’a pas de formation lui permettant d’avoir un autre boulot). On a déjà évoqué cette question sur d’autres fils et il est apparu qu’il n’y avait pas d’unanimité au sein des féministes pour remettre en question la notion du consentement. Pour ma part, je rejoins aussi Iacub lorsqu’elle dit qu’il est très dangereux pour les femmes d’interdire la prostitution « parce que la plupart des prostituées ne sont pas consentantes étant donné qu’elles ont été abusées dans leur enfance », parce que cela remettrait en cause toute capacité d’exercice de ses droits pour toute femme ayant été abusée. Je trouve donc que son point de vue est très féministe.


2. La dénonciation du crime sexuel comme « le crime des crimes ».
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Elle dit : « Il y a aujourd'hui une nouvelle façon de penser la dangerosité de la sexualité. Le crime sexuel est devenu en quelque sorte le crime des crimes : avant, on considérait qu'il portait atteinte aux bonnes moeurs, à l'ordre qui découlait du mariage. Aujourd'hui, on parle de mort psychique des femmes victimes d'un viol. La sexualité est protégée comme le bien le plus précieux de l'individu. »

C’est vrai que cette phrase nous heurte, surtout quand on lit le fil sur les banalités des violence sexuelles et qu’on se rend compte à quel point un viol est quelque chose d’extrêmement douloureux surtout d’un point de vue psychologique (et donc invisible, et donc non reconnu). Mais je considère qu’aussi grave soit le viol, il est moins grave que le meurtre ou l’assassinat.

Je comprends dès lors Iacub lorsqu’elle reproche aux féministes d’utiliser des termes peut-être excessifs tels que « mort psychique ». D’une mort, on ne se remet par définition pas. Hors, sur ces fils, il a souvent été expliqué que même si un viol laissait des séquelles psychologiques parfois très graves et très profondes, il y avait toujours l’espoir pour les femmes violées de retrouver un sens à leur vie et même du plaisir sexuel. Le terme « mort » est donc excessif et peut prêter à confusion.
Quand elle dit « la sexualité est protégée comme le bien le plus précieux de l’individu », je l’interprète comme « je critique le point de vue de ceux qui considèrent que la sexualité d’un individu est encore plus à protéger que la vie de cet individu », et sur ce point, je suis également d’accord avec elle. C’est une question de hiérarchie (qu’on peut discuter), mais je fais partie des celles et ceux qui considèrent que le viol est très grave, mais que le meurtre l’est encore plus.

Et c’est comme cela qu’elle en arrive à reprocher à certaines personnes de considérer le crime sexuel comme « le crime des crimes ».

Idem quand elle reproche à certaines personnes de considérer des violeurs ou les pédophiles comme des « montres » et donc ne pouvant pas bénéficier des mesures pénales et pénitentiaires équivalentes à tout autres détenus (ex. meurtrier). Là aussi, je la rejoins pour maintenir la notion d’Etat de droit et de hiérarchie des peines en considérant que le viol et la pédophilie sont très graves, mais sont moins graves que le meurtre ou l’assassinat.

Par contre là où nos vues sont divergentes, c’est sur l’application concrète des peines. Et il serait intéressant de la confronter à notre point de vue et nos expériences sur ce sujet.


3. différence entre fait et opinion
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Dans les critiques sur Iacub que je lis sur ce forum, je trouve qu’il y a souvent une interprétation erronée de ses propos. Elle décrit un fait et nous la soupçonnons de cautionner ce fait, alors qu’elle ne fait que le présenter et nous invite à y réfléchir.

Exemples :
« Ce n'est donc plus au nom de l'ordre moral mais à celui de la protection de la femme qu'est sanctionnée la criminalité sexuelle, et prohibée la prostitution. Et ce discours-là est nouveau. »
C’est un fait et pas une critique. C’est le début de son raisonnement où elle reproche aux féministes (notamment) d’ôter aux femmes leur libre arbitre et leur liberté sexuel dans le but de les protéger.

« personne n'est choqué du fait que les hommes aujourd'hui peuvent, après un seul rapport sexuel, se voir imposer une paternité, ou au contraire, se la voir refusée par la femme qui peut toujours avorter sans envisager un dédommagement.»
C’est un fait. Et ça m’interpelle en tant que féministe puisque cela touche finalement à la seule différence fondamentale entre homme et femme. Quelle est la solution d’une féministe qui se bat pour une société égalitaire bannissant toute différence de droit entre hommes et femmes face à une situation basée sur une différence fondamentale entre homme et femme ? Et je ne me contente pas d’une réponse de type « oui, mais les hommes font partie de la classe dominante et ont déjà pleins d’avantages, alors ce n’est pas aux féministes de s’occuper de leurs petits problèmes ». Il faut être cohérentes jusqu’au bout.

De même, je n’ai vu nulle part qu’elle cautionnait le viol et la pédophilie. Que du contraire,
elle dit par exemple qu’ « Un adulte a beaucoup d'ascendant sur un enfant, ce qui oblige à penser le consentement de l'enfant autrement que celui de l'adulte. Du coup, il me semble absurde de penser qu'il ne doit pas y avoir de norme qui interdise les rapports adultes et enfants. »


4. En conclusion
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Je ne vais pas m’étendre plus longuement (je suis au boulot quand même… ;-) ) mais je trouve que toutes ses idées sont loin d’être mauvaises et rejoignent les idées féministes sur énormément de points. Sa crainte est qu’au nom de la lutte contre le sexisme, on anéantisse toutes les avancées liées à la liberté sexuelle, tout comme il existe un mouvement de réduction des libertés au nom de la lutte contre le terrorisme. Et je partage sa crainte.

Elle a une mauvaise image des féministes (comme une majorité de la population) et s’y attaque à tort. Je trouve qu’il serait bien plus constructif d’entrer en dialogue avec elle (selon moi, elle est fondamentalement féministe, mais pas consciente l’ensemble des problèmes auxquelles les femmes sont confrontées, parce qu’elle ne fréquente pas notre forum et elle vit plutôt dans un milieu privilégié) et lui montrer que nous ne sommes finalement pas aussi opposées qu’on pourrait le croire a priori.

Lui envoyer des insultes est le meilleur moyen de la renforcer dans son idée que les féministes sont des hystériques qui réagissent de façon épidermique à ses propos et qu’elles sont incohérentes dans leurs idées.
Mwana Muke.

04/10/2002
Note du webmasteur : nous avons cité la source de ce texte par "netiquette": il se trouve au milieu d'une foule de commentaires et d'insultes adressées à Marcela IACUB. Le maintien de ces insultes sur un site censé défendre les femmes publiques contre l'injure sexiste ne peut que soulever question
* le titre est de la rédaction de l'En Dehors
Ecrit par libertad, le Dimanche 12 Janvier 2003, 16:41 dans la rubrique Féminisme pour l'égalité.