Mais si aujourd’hui l’homosexualité n’est plus un fléau, les discriminations le sont. Ces discriminations qui tuent, insultent, stigmatisent, font se cacher. Au centre de cette homophobie, il y a le rejet des autres sexualités, des hors normes. Dans ce sens, notre lutte contre le patriarcat s’inscrit bel et bien dans la solidarités avec les homos, trans, bi… hétéros qui revendiquent de vivre une autre sexualité qui ne s’inscrit pas forcément dans les normes prônées par la société bien pensante omniprésente en ces temps de remontée de l’ordre moral.
L’article qui suit développe un aspect de cette lutte qui, même s’il n’est pas suffisant (il faudrait aussi ajouter les aspects économiques, sociaux…), n’en reste pas moins fondamental car justement toujours rejeté dans le privé, jamais parlé renvoyant chacun-e à ses propres angoisses interrogations : « suis-je normal-e si j’aime telles pratiques sexuelles ».
En ce 3ème millénaire balbutiant, les mœurs sont dites libres et les références sexuelles sont omniprésentes : les corps se dévoilent ( ?) le sexe est partout. LA femme est dite libérée sexuellement… et pourtant, il faut encore des parades pour faire reconnaître les droits des gays, lesbiennes, transexuel-les, bi… eh oui, parce qu’en ce 3ème millénaire balbutiant, la sexualité reste enfermée dans l’idéologie patriarcale. Le cul c’est bien si ça reste dans les normes mais ça dérange si l’on y prend goût en dehors des normes imposées.
Une sexualité dépendante de la norme hétérosexuelle
On parle encore aujourd’hui de LA sexualité. Triste réalité d’une représentation sociale de celle-ci qui se décline sur une seule pratique sexuelle reconnue « normale » : la pénétration pénienne avec éjaculation vaginale. Hors de ce schéma très sexué point de salut. Ainsi un homme acceptera difficilement d’être pénétré par sa partenaire sous prétexte que : « j’suis pas un PD moi » !
Cette représentation unique de la sexualité est la conséquence d’une vision binaire du monde : on est sexuellement masculin ou féminin. S’il on est masculin, on a une sexualité active, entreprenante, puissante tandis que si l’on est du côté féminin on porte la douceur, la passivité, la fragilité et l’invitation sexuelle muette. Et c’est cette même bi-catégorisation de la sexualité qui génère le culte de la sexualité conquérante chez les hommes et impose aux femmes un rôle de soumission sexuelle. Quelle femme n’a pas été confrontée à la demande de son partenaire sexuel de la sodomiser ? Mais, lorsque cette dernière lui renvoie la question, très souvent elle s’entend répondre que : « surtout pas car j’ai peur d’avoir mal !». Selon quel fonctionnement des rapports hommes-femmes un homme peut-il demander à sa partenaire un acte sexuel dont il pense que ça fait mal ?! Cette vison binaire du monde entraîne également une autre catégorisation des femmes entre deux catégories la « femme bien » avec qui on a une sexualité « normale » (telle que définie ci-dessus) et la « putain » avec qui on peut réaliser certains fantasmes comme celui de la sodomiser par exemple. C’est plus bandant dans l’hypocrisie !
L’ère de la sexophobie
Cette hétéro normalité révèle aussi la sexophobie ambiante de notre société. Nous vivons dans une société bien pensante mais mal baisante. Certes, la sexualité n’a jamais été autant mise en spectacle mais il s’agit avant tout de diffuser la norme et de vendre. Ce qu’il est permis de faire : avoir une sexualité hétéro classique d’où la stigmatisation des homosexualités : les gays sont renvoyés dans la catégorie inférieure des femmes, les lesbiennes sont invisibilisées comme n’ayant pas de sexualité (c’est le cas de la représentation de la sexualité lesbienne dans les films pornos hétéros par exemple où elles ne baisent pas mais se caressent et souvent sous le regard d’un homme avec qui elles baiseront réellement après puisqu’il y aura pénétration pénienne). Ce qui est valorisé : avoir une sexualité conquérante quand on est un mec d’où la valorisation des valeurs négatives de non respect de sa partenaire et comme revers, l’estime de sa partenaire comme synonyme d’apathie sexuelle.
La solution n’est pas de réduire au maximum les pratiques sexuelles acceptables. Ainsi, le discours puritain d’un certain féminisme (hétéro ou lesbien) qui prêche le refus de la pénétration comme seule alternative aux rapports de domination relève de la sexophobie et appauvrit la sexualité. Version plus moderne du « politiquement correct » en matière de sexualité : certains hommes pro-féministes qui affirment (d’ailleurs souvent en parlant à la place des femmes) que la seule façon acceptable de faire l’amour c’est d’être dans la douceur, la lenteur. Ce sont là des qualités que l’on prête aux femmes comme étant innées et cela revient à considérer qu’on ne devrait jamais avoir envie de baiser «sauvagement» et surtout ne pas s’y autoriser lorsqu’on en a envie. La norme a changé pour une nouvelle… norme. Donc, certaines pratiques seront prohibées, vive la frustration !
Fuck les normes ! Sex toys are us !
Voilà, la boucle est bouclée : la sexophobie ajoutée à la norme hétéro va stigmatiser les femmes qui assument leurs désirs hors normes justement. Celles qui revendiquent l’utilisation de sex toys font carrément peur et ont bien du mal à trouver un partenaire qui ne sera pas effrayé et à avoir une sexualité épanouie. Pourtant, l’utilisation de sex toys déplace le rôle central de la pénétration pénienne avec éjaculation vaginale. Les sources de plaisir sont multipliées. pour l’homme qui apprend que son pénis n’est pas l’unique source de plaisir, pour la femme qui apprend que le vagin n’est pas le centre de sa sexualité.
Les sex toys permettent aussi de dépasser la binarité actif / passif. Si chacun-e peut aussi bien être pénétré-e ou pénétrer la relation n’en est que plus égalitaire. L’utilisation d’un dildo, pour sodomiser son partenaire par exemple, relativise la représentation fantasmatique que l’on se fait de la sexualité de l’autre. Les hommes découvrent qu’être pénétré n’est pas synonyme de soumission, les femmes découvrent le plaisir de certains mouvements liés à l’action de pénétrer. On déconstruit aussi le discours social autour du phallus. Etre pénétré par son amie ne fait pas du partenaire un sous homme. Pénétrer son ami fait comprendre concrètement que la construction sociale du masculin n’a pas grand chose à voir avec la possibilité de pénétrer mais tient toute entière dans la symbolique du phallus.
Il s’agit d’une prise d’autonomie pour les deux. L’utilisation de sex toys peut faire partie de rapports hétéros mais ça bouscule le préjugé selon lequel le corps de l’homme est le seul vecteur du plaisir féminin. Les hommes sont rappelés à cette réalité que les femmes peuvent avoir du plaisir sans eux. Les femmes s’autorisent désormais à se donner du plaisir via un objet qui n’a rien à voir avec un phallus (boules de Geisha, vibro, plug…). La relation se joue alors entre deux êtres autonomes aux désirs divers qui ne sont plus prisonniers de leur genre masculin ou féminin. Pour autant, il ne s’agit pas d’une inversion des genres où s’inverseraient les rapports de domination. Il faudrait finalement inventer un autre mot pour dépasser la caractérisation systématique des pratiques sexuelles entre celles dites pratiques de femmes et celles dites pratiques d’hommes.
Gesticulons Radicalement, Orgasmons Gaiement.
Muriel groupe Emma Goldman Fédération Anarchiste Bordeaux
1 Définition des sex toys tout objet utilisé à des fins sexuelles. Exemple : dildos (ou goddes), plugs, boules de geisha, carottes, boules de massage …
iArticle publié dans le Monde libertaire du 19 juin 2003
Commentaires :
"Mais si aujourd’hui l’homosexualité n’est plus un fléau"
juste au passage, "n'est plus CONSIDERE comme un fléau".
ça ne l'a jamais été, même si c'était inscrit au code civil.