L'amour libre
Petites réflexions sur la brochure de la Question sociale ( n°7 L'amour libre )Vaste sujet, vaste programme... qui semble même faire peur aux anarchistes de cette fin de 20ème siècle.Comme si ce thème n'avait plus court! Pour passionnant qu'il soit, le texte de Madeleine Vernet me semble très décalé des préoccupations des femmes et des hommes d'aujourd'hui. Mais, à l'époque (1907), il devait être réellement révolutionnaire! Par contre, le texte de Marguerite Desprès m'est beaucoup plus proche. Pour quelles raisons? Peut-être parce que Madeleine Vernet fait une belle causerie, pleine de bons sentiments, de grands mots, et que Marguerite Desprès, elle, tout simplement, raconte sa vie. Et cette liberté en amour qu'elle a choisie, assumée, aimée, est proche de ce que je peux vivre et penser, aujourd'hui. C'est comme une voix familière qui, par-delà les années, montre le chemin. Madeleine Vernet s'évertuait à séparer amour, désir, mariage. Marguerite Desprès disait simplement: j'ai aimé comme j'ai voulu.
Et si Marguerite a aimé comme elle l'a voulu, c'est aussi parce qu'elle a choisi de l'assumer économiquement. C'est un point que Madeleine Vernet n'abordait pas. Or il me semble que c'est l'indépendance économique qui est -encore aujourd'hui- la clef de la liberté amoureuse. Combien de femmes ne quittent pas leur mari parce qu'elles n'ont jamais travaillé hors de leur foyer?
L'amour libre dans une société qui ne l'est pas me semble une utopie. Tout marche ensemble. Mais, dans le même temps, il me semble que de tenter de vivre au quotidien cet amour libre est un bon moyen de se mettre en marche vers l'Utopie. C'est quelque chose qui est à notre portée puisque nous en sommes les seuls et uniques instigateurs. C'est nos vies que nous prenons en main. Alors autant essayer de changer les choses déjà à ce niveau.
Je suis toujours étonnée du nombre de copains anars vivant avec une compagne qui ne partage pas leurs idées. Serait-ce la raison pour laquelle, finalement, peu ont envie de se pencher sur la question de l'amour libre?
Combien d'entre nous vivons vraiment "l'amour libre"?
Et combien de compagnons et de compagnes ont encore "des aventures extra-conjugales clandestines?" J'emploie à dessein ces termes, dans la mesure où c'est souvent ainsi que ces relations sont vécues!
Pour moi, le : "Tu fais ce que tu veux, mais je ne veux pas le savoir", ce n'est pas de l'amour libre.
Il y a de beaux discours, de grandes théories, de belles idées sur la question. Mais qu'est-ce que ça change si, dans la pratique, rien ne bouge? Qu'est-ce que ça change si l'on est incapable de le vivre et de l'assumer au quotidien?
Tout ça, c'est de l'hypocrisie. On dit qu'on est pour, mais on n'ose pas dire à sa compagne ou à son compagnon : "J'ai fait l'amour avec untel". Et pourquoi? Parce qu'on n'a pas encore envoyé aux orties cette putain de morale judéo-chrétienne. Beaucoup de couples anars fonctionnent ainsi, et cela me paraît le comble de l'hypocrisie.
C'est vrai que ce n'est pas toujours facile d'accepter que le corps de celui ou de celle qu'on aime, touche un autre corps. Mais je crois qu'il faut vraiment réfléchir sur cette idée de possession de l'autre, puisque c'est cela qui entre en jeu. Et remettre en question la fidélité: ce concept imbécile qui ne veut rien dire, et qui a bousillé tant de vies. On entend maintenant : "la fidélité, c'est dans la tête". Bon. D'accord. Et ça nous avance à quoi? A rien, puisque ça ne veut rien dire. Si on reste avec une compagne, un compagnon, ce n'est pas par "fidélité", ni dans la tête, ni dans le corps. Je crois que c'est, simplement, parce qu'on en a envie. C'est tout.
En fait, ce qui n'a pas changé et qui entrave toute tentative d'amour libre, c'est le rapport que nous entretenons avec notre corps. Nous le cachons sans cesse sous des vêtements, et nous ne le dévoilons qu'à l'être aimé. Cela renforce l'idée que le compagnon ou la compagne a un "droit de regard" sur lui. Un "droit de regard" qui se transforme vite en "droit de possession exclusive". (Le naturisme permet d'éviter cela... Mais, malheureusement, beaucoup d'anarchistes ne font pas de naturisme...).
Un jour, j'ai entendu une femme dire : "J'ai horreur des piercing; si mon compagnon s'en faisait faire un, je le quitterais". Bel exemple d'appropriation du corps de l'autre!
On peut aussi parler de l'échangisme... Si on échange un corps avec un autre, cela veut dire qu'on "prête" le corps de son copain ou de sa copine, et on ne prête que ce que l'on possède...
Notre corps nous appartient et n'appartient à personne d'autre. Faire l'amour avec un compagnon, ou une compagne avec qui on vit au quotidien, ne lui donne aucun droit sur notre corps.
Cela dépasse largement la notion d'oppression de l'homme sur la femme. Lorsqu'on parle de l'amour libre, il me semble que l'homme n'est guère mieux lotis que la femme. Surtout aujourd'hui où la maternité peut être maîtrisée et n'est plus une entrave.
Madeleine Vernet oublie également quelque chose d'important: l'amour libre, ce n'est pas forcément une femme et un homme. Vivre ses désirs, c'est aussi accepter que des femmes puissent en aimer d'autres, que des hommes puissent être attirés par des hommes, et que certains et certaines puissent être attirés par les deux sexes, et pas forcément pour faire un couple.
La question du mariage n'a plus beaucoup d'intérêt aujourd'hui. Mais il serait intéressant de se poser des questions sur le couple (qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel).
Deux par deux, c'est pratique, finalement. Parce qu'économiquement parlant, cela coûte moins cher que chacun chez soi... Que l'homme et la femme s'y retrouvent, rien de moins sûr! (à moins d'avoir assez d'espace vital pour chacun... mais on retombe dans des considérations économiques!)
La question des enfants reste posée. D'abord, pourquoi fait-on encore des enfants aujourd'hui? Et comment vivre cet Amour Libre lorsqu'on a des enfants (en clair: qui les élève?).
L'amour libre, c'est d'abord être libre dans son corps. C'est-à-dire l'accepter tel qu'il est, même s'il est différent des canons de beauté imposés par la société. Cela veut dire accepter d'être nu (dans tous les sens du terme). Si on se s'aime pas, on ne peut pas aimer les autres. Et on ne peut s'aimer qu'en étant libre.
Libre dans son corps, cela veut dire libre dans sa tête; ouvrir la porte à ses désirs, sans jamais laisser la société dicter sa loi. Vivre dans le respect de soi et dans le respect de l'autre. Alors il n'y a plus ni bien ni mal.
Une fois libre dans sa tête et dans son corps, on peut commencer à parler de l'amour. L'amour en liberté est une fête. C'est la seule chose qui peut nous donner le courage de nous battre pour changer le monde...
Voilà quelques idées sur le sujet. Mais je me méfie des mots et des théories, sachant le gouffre parfois qu'il existe avec la réalité.
Pour ma part, je vis depuis 17 ans avec la même personne. Peut-être parce que, paradoxalement, nous n'avons jamais fait de projets à long terme. Pour nous, l'amour libre n'est qu'une façon parmi d'autres d'essayer de mettre en pratique notre idéal libertaire.
Nous partageons le même appartement pour des raisons économiques mais, comme il est grand, nous avons chacun notre espace vital et privé, et c'est très important.
Nous avons choisi de ne pas avoir d'enfants, parce que cela nous engageait trop l'un vis-à-vis de l'autre, parce que nous pensons qu'ils auraient été une entrave à notre liberté individuelle, et aussi parce que nous trouvons cette société trop moche pour avoir envie d'y mettre un enfant.
Mon compagnon ne m'appartient pas plus que je lui appartiens. C'est peut-être ce qui nous séduit toujours l'un l'autre. Au cours de ces années passées avec lui, j'ai vécu quelques histoires de peau avec d'autres hommes et d'autres femmes. J'ai été vers ceux et celles que je désirais et qui me désiraient. Il n'y a eu ni infidélité ni tromperie. Mon corps m'appartient. Je le partage avec qui je veux. Mon compagnon l'a toujours su, et respecté. Comme je respecte son désir.
Et le jour où un ami de passage ( se disant anarchiste ! )a commencé à vouloir dicter ma vie et ma conduite ( j'avais le droit de l'avoir pour amant à condition que je n'en prenne pas d'autres ! ).Je lui ai ri au nez et j'en rigole encore avec mon compagnon.
par Cathy Ytak
Et si Marguerite a aimé comme elle l'a voulu, c'est aussi parce qu'elle a choisi de l'assumer économiquement. C'est un point que Madeleine Vernet n'abordait pas. Or il me semble que c'est l'indépendance économique qui est -encore aujourd'hui- la clef de la liberté amoureuse. Combien de femmes ne quittent pas leur mari parce qu'elles n'ont jamais travaillé hors de leur foyer?
L'amour libre dans une société qui ne l'est pas me semble une utopie. Tout marche ensemble. Mais, dans le même temps, il me semble que de tenter de vivre au quotidien cet amour libre est un bon moyen de se mettre en marche vers l'Utopie. C'est quelque chose qui est à notre portée puisque nous en sommes les seuls et uniques instigateurs. C'est nos vies que nous prenons en main. Alors autant essayer de changer les choses déjà à ce niveau.
Je suis toujours étonnée du nombre de copains anars vivant avec une compagne qui ne partage pas leurs idées. Serait-ce la raison pour laquelle, finalement, peu ont envie de se pencher sur la question de l'amour libre?
Combien d'entre nous vivons vraiment "l'amour libre"?
Et combien de compagnons et de compagnes ont encore "des aventures extra-conjugales clandestines?" J'emploie à dessein ces termes, dans la mesure où c'est souvent ainsi que ces relations sont vécues!
Pour moi, le : "Tu fais ce que tu veux, mais je ne veux pas le savoir", ce n'est pas de l'amour libre.
Il y a de beaux discours, de grandes théories, de belles idées sur la question. Mais qu'est-ce que ça change si, dans la pratique, rien ne bouge? Qu'est-ce que ça change si l'on est incapable de le vivre et de l'assumer au quotidien?
Tout ça, c'est de l'hypocrisie. On dit qu'on est pour, mais on n'ose pas dire à sa compagne ou à son compagnon : "J'ai fait l'amour avec untel". Et pourquoi? Parce qu'on n'a pas encore envoyé aux orties cette putain de morale judéo-chrétienne. Beaucoup de couples anars fonctionnent ainsi, et cela me paraît le comble de l'hypocrisie.
C'est vrai que ce n'est pas toujours facile d'accepter que le corps de celui ou de celle qu'on aime, touche un autre corps. Mais je crois qu'il faut vraiment réfléchir sur cette idée de possession de l'autre, puisque c'est cela qui entre en jeu. Et remettre en question la fidélité: ce concept imbécile qui ne veut rien dire, et qui a bousillé tant de vies. On entend maintenant : "la fidélité, c'est dans la tête". Bon. D'accord. Et ça nous avance à quoi? A rien, puisque ça ne veut rien dire. Si on reste avec une compagne, un compagnon, ce n'est pas par "fidélité", ni dans la tête, ni dans le corps. Je crois que c'est, simplement, parce qu'on en a envie. C'est tout.
En fait, ce qui n'a pas changé et qui entrave toute tentative d'amour libre, c'est le rapport que nous entretenons avec notre corps. Nous le cachons sans cesse sous des vêtements, et nous ne le dévoilons qu'à l'être aimé. Cela renforce l'idée que le compagnon ou la compagne a un "droit de regard" sur lui. Un "droit de regard" qui se transforme vite en "droit de possession exclusive". (Le naturisme permet d'éviter cela... Mais, malheureusement, beaucoup d'anarchistes ne font pas de naturisme...).
Un jour, j'ai entendu une femme dire : "J'ai horreur des piercing; si mon compagnon s'en faisait faire un, je le quitterais". Bel exemple d'appropriation du corps de l'autre!
On peut aussi parler de l'échangisme... Si on échange un corps avec un autre, cela veut dire qu'on "prête" le corps de son copain ou de sa copine, et on ne prête que ce que l'on possède...
Notre corps nous appartient et n'appartient à personne d'autre. Faire l'amour avec un compagnon, ou une compagne avec qui on vit au quotidien, ne lui donne aucun droit sur notre corps.
Cela dépasse largement la notion d'oppression de l'homme sur la femme. Lorsqu'on parle de l'amour libre, il me semble que l'homme n'est guère mieux lotis que la femme. Surtout aujourd'hui où la maternité peut être maîtrisée et n'est plus une entrave.
Madeleine Vernet oublie également quelque chose d'important: l'amour libre, ce n'est pas forcément une femme et un homme. Vivre ses désirs, c'est aussi accepter que des femmes puissent en aimer d'autres, que des hommes puissent être attirés par des hommes, et que certains et certaines puissent être attirés par les deux sexes, et pas forcément pour faire un couple.
La question du mariage n'a plus beaucoup d'intérêt aujourd'hui. Mais il serait intéressant de se poser des questions sur le couple (qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel).
Deux par deux, c'est pratique, finalement. Parce qu'économiquement parlant, cela coûte moins cher que chacun chez soi... Que l'homme et la femme s'y retrouvent, rien de moins sûr! (à moins d'avoir assez d'espace vital pour chacun... mais on retombe dans des considérations économiques!)
La question des enfants reste posée. D'abord, pourquoi fait-on encore des enfants aujourd'hui? Et comment vivre cet Amour Libre lorsqu'on a des enfants (en clair: qui les élève?).
L'amour libre, c'est d'abord être libre dans son corps. C'est-à-dire l'accepter tel qu'il est, même s'il est différent des canons de beauté imposés par la société. Cela veut dire accepter d'être nu (dans tous les sens du terme). Si on se s'aime pas, on ne peut pas aimer les autres. Et on ne peut s'aimer qu'en étant libre.
Libre dans son corps, cela veut dire libre dans sa tête; ouvrir la porte à ses désirs, sans jamais laisser la société dicter sa loi. Vivre dans le respect de soi et dans le respect de l'autre. Alors il n'y a plus ni bien ni mal.
Une fois libre dans sa tête et dans son corps, on peut commencer à parler de l'amour. L'amour en liberté est une fête. C'est la seule chose qui peut nous donner le courage de nous battre pour changer le monde...
Voilà quelques idées sur le sujet. Mais je me méfie des mots et des théories, sachant le gouffre parfois qu'il existe avec la réalité.
Pour ma part, je vis depuis 17 ans avec la même personne. Peut-être parce que, paradoxalement, nous n'avons jamais fait de projets à long terme. Pour nous, l'amour libre n'est qu'une façon parmi d'autres d'essayer de mettre en pratique notre idéal libertaire.
Nous partageons le même appartement pour des raisons économiques mais, comme il est grand, nous avons chacun notre espace vital et privé, et c'est très important.
Nous avons choisi de ne pas avoir d'enfants, parce que cela nous engageait trop l'un vis-à-vis de l'autre, parce que nous pensons qu'ils auraient été une entrave à notre liberté individuelle, et aussi parce que nous trouvons cette société trop moche pour avoir envie d'y mettre un enfant.
Mon compagnon ne m'appartient pas plus que je lui appartiens. C'est peut-être ce qui nous séduit toujours l'un l'autre. Au cours de ces années passées avec lui, j'ai vécu quelques histoires de peau avec d'autres hommes et d'autres femmes. J'ai été vers ceux et celles que je désirais et qui me désiraient. Il n'y a eu ni infidélité ni tromperie. Mon corps m'appartient. Je le partage avec qui je veux. Mon compagnon l'a toujours su, et respecté. Comme je respecte son désir.
Et le jour où un ami de passage ( se disant anarchiste ! )a commencé à vouloir dicter ma vie et ma conduite ( j'avais le droit de l'avoir pour amant à condition que je n'en prenne pas d'autres ! ).Je lui ai ri au nez et j'en rigole encore avec mon compagnon.
par Cathy Ytak
Ecrit par libertad, le Dimanche 24 Novembre 2002, 15:44 dans la rubrique Sexualité et amour libre.