Pas de libération sans utopie amoureuse
Lu sur A-Infos : "Commentaires rapides à propos de l'appel à une manifestation contre les violences faites aux femmes, le samedi 27 novembre 2004 à Paris. L'appel du Collectif national pour les droits des femmes indique la revendication que la manifestation défendra : « Ce que nous voulons, une loi-cadre qui prenne en compte toutes les sortes de violences faites aux femmes et aux lesbiennes à la maison, dans la rue, au travail, etc. Une telle loi n'est pas un rêve, les féministes espagnoles l'ont obtenue. Ce n'est qu'une question de volonté politique, ici comme dans toute l'Europe. »
Par où commencer ? Allons au plus simple : la revendication d'une «
loi-cadre ». Une loi-cadre ! Qu'est-ce qu'on fait de ça ? On la pose sur
la cheminée ? C'est un vieux problème de stratégie que je rappelle
brièvement : ou bien l'on se bat sur ses revendications propres,
irréalisables par le système, et il réplique par la répression et/ou par
des réformes, ou bien on adopte une stratégie réformiste (une loi-cadre)
et on n'obtient rien (ou parfois un cadre sans photo à l'intérieur).
La référence au cas espagnol est intéressante à plus d'un titre. L'appel
dit que les féministes espagnoles ont obtenu une loi et ajoute : ce n'est
qu'une question de volonté politique. Il me semble que les deux
propositions sont contradictoires. Je veux bien croire qu'une partie des
féministes espagnoles (et certainement pas les féministes) se réjouit de
voir le gouvernement social-démocrate utiliser la cause des femmes pour
se donner une image moderne et humaniste, mais c'est bien cette volonté
(succédant à une grosse bourde de la droite à propos d'un événement,
l'attentat de Madrid, que ni la droite ni la gauche ni les féministes
n'avaient voulu ou prévu), cette volonté politicienne donc qui aboutit à
la loi. Les actions des féministes contribuent sans doute à informer le
public, elles fournissent des thèmes de « réformes de société » aux
politiciens, mais il ne s'agit bien sûr pas de leur volonté politique à
elles.
En clair : dire que ce n'est qu'une question de volonté politique revient
à dire que le sort des femmes dépend de la volonté des hommes
(politiques). C'est en partie vrai, mais d'autant plus que l'on se place
dans la stratégie réformiste qui consiste à demander une loi, avec ou
sans baguettes dorées autour.
La question s'est posée dès la Révolution française. Les femmes
révolutionnaires ont participé, armées, à toutes les journées d'émeute.
Elles ont milité activement dans toutes les sociétés populaires qui
acceptaient de les accueillir. Le fait était d'abord si exceptionnel
qu'il était mentionné dans le nom que se donnait, par exemple, la Société
fraternelle des patriotes de l'un et l'autre sexe. Dès que les femmes ont
essayé de faire admettre le fait acquis de leur participation citoyenne
au cours de la révolution, en demandant par exemple qu'on leur distribue
des armes et qu'on les entraîne à leur maniement, elles se sont heurtées
au mur du double pouvoir machiste et bourgeois de députés qui entendaient
mettre un terme à la révolution et renvoyer les femmes dans leurs foyers.
Les militantes les plus avancées, par exemple les fondatrices de la
Société des citoyennes républicaines révolutionnaires [1], n'ont pu
sortir de l'impasse d'une légitimation bourgeoise et machiste de
pratiques féminines autonomes (violence armée, création d'une
organisation non-mixte). Leur club est fermé après que des provocateurs
et provocatrices ont interdit physiquement une assemblée générale, le 28
octobre 1793, au cri de « Vive la République, à bas les révolutionnaires
! ». Il faut entende l'ellipse : « À bas les [femmes] révolutionnaires !
», c'était en effet l'appellation courante des membres de ce club, qui
avait rejoint le courant des Enragés. C'est tout un programme qui est
contenu dans ce cri : en rester à la république telle qu'elle est -
c'est-à-dire ne reconnaissant pour citoyens que les hommes -, mettre fin
à la révolution, le tout en effaçant les femmes, jusqu'au mot !
Il ne s'agit pas, bien entendu, de porter un jugement moral rétrospectif
sur les limites de ce qu'on pu dire et faire les femmes révolutionnaires
d'il y a deux siècles. Il serait bon, en revanche (c'est bien le cas de
le dire !), de tirer parti de cette histoire, fondatrice de la nôtre, et
de ne pas renouveler à l'infini les mêmes erreurs.
Je reviens à l'appel, pour faire rapidement mention de l'embarras
d'écriture des rédactrices, probablement soucieuses de ne pas paraître
oublier les lesbiennes, supposées noyées dans la dénomination « femmes »,
et qui se trouvent du coup distinguées des femmes. Aux femmes et aux
lesbiennes !
Le texte d'appel se veut « réaliste », c'est en tous cas de cette manière
que j'analyse l'affirmation selon laquelle la loi-cadre « n'est pas un
rêve » (un ministre espagnol l'a fait). Qui rêve de lois d'ailleurs ?
Sans doute manquons-nous de rêves, mais sûrement pas de lois.
On connaît l'argument machiste (franchement exprimé ou non) selon lequel
si les femmes se laissent apparemment si volontiers frapper, tromper et
mépriser, c'est « parce qu'elles aiment ça ». Parfaitement répugnante,
l'hypothèse a l'inconvénient subsidiaire d'escamoter la question du
consentement de tant de femmes, non pas à telle ou telle violence
particulière, mais au système qui les engendre et les tolère. Or c'est
bien, semble-t-il, de rêve qu'il s'agit, ou si l'on préfère d'utopie.
En effet, la grande faiblesse du mouvement féministe et du mouvement
révolutionnaire est de n'être (plus) porteur d'aucune utopie amoureuse.
On peut considérer que le séparatisme lesbien constitue une exception,
mais il ne peut, par définition, prétendre à l'universalité. Nous sommes
donc démuni(e)s en face d'un système qui entretient, lui, avec des moyens
de persuasion à l'efficacité jamais atteinte dans l'histoire, l'utopie de
la rencontre/amoureuse/romantique débouchant sur la formation du
couple/exclusif/hétérosexuel (la variante homosexuelle est plus ou moins
tolérée).
L'utopie de l'amour romantique prépare les femmes à considérer que la
situation matérielle de domination dans laquelle elles se trouvent est
soit sans inconvénient lorsque le bonheur partagé est sans nuage, soit
dûe à une erreur dans le choix du partenaire, lorsque celui-ci se montre
violent, jaloux, pervers et pingre. La femme qui se croit dans la
situation de reconnaître une erreur de choix (qui existe aussi : elle
s'est réellement mise sous la dépendance d'un immature violent) se fait
donc le reproche, soit d'avoir mal choisi, soit pire encore d'avoir
elle-même perturbé le déroulement du scénario amoureux (puisqu'« il »
était « gentil » jusqu'à ce qu'elle parle de reprendre ses dîners du
lundi avec ses copines de fac...). En l'absence d'une utopie de rechange,
c'est-à-dire d'un autre imaginaire érotique et relationnel, en l'absence
aussi d'une analyse matérialiste de la situation économique, sociale, et
caractérielle de la femme dans le couple, on ne peut considérer les
catastrophes de la vie amoureuse que comme relevant de la dite sphère
privée, et surtout de la responsabilité personnelle.
Sheila Kitzinger écrit, à propos de la transmission de cette utopie, qui
passe certes par les magazines féminins, mais d'abord par les femmes
elles-mêmes : « Une femme qui se dit "frigide, perdue, et désespérément
seule", bien qu'elle soit mariée, n'envisage pas moins de déclarer à sa
fille : "Attends l'homme de ta vie. Tu sauras tout de suite que c'est
lui." [...] Une autre, dont le mari passe son temps à lui dire qu'elle
est grosse et qu'elle a des vergetures et qui déclare "avoir le moral à
zéro" depuis la naissance de ses enfants, dit à sa fille que "la
sexualité, c'est notre façon de mettre au monde de nouvelles âmes". Une
femme que son mari utilise "comme une poupée gonflable pour son plaisir"
trouve pourtant le moyen de dire à sa fille que "la sexualité est
l'expression d'un amour profond pour une autre personne et elle ne doit
pas être gaspillée ni rabaissée". Le rêve demeure intact, peut-être pour
le salut de la mère, même si la réalité paraît souvent lui avoir appris
exactement le contraire. Les femmes semblent pour la plupart ne pas
vouloir ou ne pas pouvoir utiliser leur expérience personnelle pour
savoir comment conseiller leurs filles. On dirait qu'entre les mères et
les filles se perpétue une délicate toile de mensonge, tissée au fil des
siècles, et que la femme adulte, n'ayant pas rencontré le prince
Charmant, ou ayant constaté qu'il s'était vite retransformé en crapaud,
veut à tout prix que sa fille vive l'histoire d'amour qui s'est révélée
pour elle parfaitement illusoire [2]. »
Certes, il est autrement plus difficile d'imaginer d'autres rapports
érotiques et affectifs que de dresser, par exemple, les plans d'une
maison solaire et autosuffisante. J'éprouve cette difficulté comme tout
le monde. Il est vrai aussi que du point de vue des femmes, toutes les
expériences sont piégées et doivent être abordées avec une lucidité que
l'état amoureux favorise rarement (cf. la critique a postériori des
expériences
communautaires ou de l'idée d'amour libre qu'on pouvait humer dans l'air
du temps des années 70, lequel était tout de même plus respirable). Rien
n'est donné, rien n'est acquis, voilà bien la seule règle de conduite,
d'ailleurs commune au mouvement des femmes et au mouvement
révolutionnaire.
Il me semble à la fois inévitable et souhatable, néanmoins, de nous
(re)pencher sur l'utopie pratique d'un nouveau monde amoureux, pour
reprendre l'expression chère à Fourier, où d'autres manières de vivre et
de satisfaire nos désirs, d'autres façons de nous rassurer les un(e)s les
autres, d'autres liens entre le personnel et l'universel nous donneraient
à nous et à l'humanité un horizon positif, une anticipation immédiatement
vécue de bonheur - inutile d'aller jusqu'au paradis, restons sur la
terre, qui est quelquefois si jolie...-, autrement plus désirable et plus
enthousiasmante qu'une loi-cadre.
Claude.
mercredi 17 novembre 2004.
On peut s'exprimer directement et/ou me contacter :
claude.guillon(a)internetdown.org
[1] Sur Pauline Léon, cofondatrice de la société, on peut se reporter à
mon livre Deux Enragés de la Révolution, Leclerc de Lyon et Pauline Léon,
La Digitale, 1993
[2] L'expérience sexuelle des femmes, Seuil, 1983, p. 214
[ texte repris du site http://claudeguillon.internetdown.org/ ]
Par où commencer ? Allons au plus simple : la revendication d'une «
loi-cadre ». Une loi-cadre ! Qu'est-ce qu'on fait de ça ? On la pose sur
la cheminée ? C'est un vieux problème de stratégie que je rappelle
brièvement : ou bien l'on se bat sur ses revendications propres,
irréalisables par le système, et il réplique par la répression et/ou par
des réformes, ou bien on adopte une stratégie réformiste (une loi-cadre)
et on n'obtient rien (ou parfois un cadre sans photo à l'intérieur).
La référence au cas espagnol est intéressante à plus d'un titre. L'appel
dit que les féministes espagnoles ont obtenu une loi et ajoute : ce n'est
qu'une question de volonté politique. Il me semble que les deux
propositions sont contradictoires. Je veux bien croire qu'une partie des
féministes espagnoles (et certainement pas les féministes) se réjouit de
voir le gouvernement social-démocrate utiliser la cause des femmes pour
se donner une image moderne et humaniste, mais c'est bien cette volonté
(succédant à une grosse bourde de la droite à propos d'un événement,
l'attentat de Madrid, que ni la droite ni la gauche ni les féministes
n'avaient voulu ou prévu), cette volonté politicienne donc qui aboutit à
la loi. Les actions des féministes contribuent sans doute à informer le
public, elles fournissent des thèmes de « réformes de société » aux
politiciens, mais il ne s'agit bien sûr pas de leur volonté politique à
elles.
En clair : dire que ce n'est qu'une question de volonté politique revient
à dire que le sort des femmes dépend de la volonté des hommes
(politiques). C'est en partie vrai, mais d'autant plus que l'on se place
dans la stratégie réformiste qui consiste à demander une loi, avec ou
sans baguettes dorées autour.
La question s'est posée dès la Révolution française. Les femmes
révolutionnaires ont participé, armées, à toutes les journées d'émeute.
Elles ont milité activement dans toutes les sociétés populaires qui
acceptaient de les accueillir. Le fait était d'abord si exceptionnel
qu'il était mentionné dans le nom que se donnait, par exemple, la Société
fraternelle des patriotes de l'un et l'autre sexe. Dès que les femmes ont
essayé de faire admettre le fait acquis de leur participation citoyenne
au cours de la révolution, en demandant par exemple qu'on leur distribue
des armes et qu'on les entraîne à leur maniement, elles se sont heurtées
au mur du double pouvoir machiste et bourgeois de députés qui entendaient
mettre un terme à la révolution et renvoyer les femmes dans leurs foyers.
Les militantes les plus avancées, par exemple les fondatrices de la
Société des citoyennes républicaines révolutionnaires [1], n'ont pu
sortir de l'impasse d'une légitimation bourgeoise et machiste de
pratiques féminines autonomes (violence armée, création d'une
organisation non-mixte). Leur club est fermé après que des provocateurs
et provocatrices ont interdit physiquement une assemblée générale, le 28
octobre 1793, au cri de « Vive la République, à bas les révolutionnaires
! ». Il faut entende l'ellipse : « À bas les [femmes] révolutionnaires !
», c'était en effet l'appellation courante des membres de ce club, qui
avait rejoint le courant des Enragés. C'est tout un programme qui est
contenu dans ce cri : en rester à la république telle qu'elle est -
c'est-à-dire ne reconnaissant pour citoyens que les hommes -, mettre fin
à la révolution, le tout en effaçant les femmes, jusqu'au mot !
Il ne s'agit pas, bien entendu, de porter un jugement moral rétrospectif
sur les limites de ce qu'on pu dire et faire les femmes révolutionnaires
d'il y a deux siècles. Il serait bon, en revanche (c'est bien le cas de
le dire !), de tirer parti de cette histoire, fondatrice de la nôtre, et
de ne pas renouveler à l'infini les mêmes erreurs.
Je reviens à l'appel, pour faire rapidement mention de l'embarras
d'écriture des rédactrices, probablement soucieuses de ne pas paraître
oublier les lesbiennes, supposées noyées dans la dénomination « femmes »,
et qui se trouvent du coup distinguées des femmes. Aux femmes et aux
lesbiennes !
Le texte d'appel se veut « réaliste », c'est en tous cas de cette manière
que j'analyse l'affirmation selon laquelle la loi-cadre « n'est pas un
rêve » (un ministre espagnol l'a fait). Qui rêve de lois d'ailleurs ?
Sans doute manquons-nous de rêves, mais sûrement pas de lois.
On connaît l'argument machiste (franchement exprimé ou non) selon lequel
si les femmes se laissent apparemment si volontiers frapper, tromper et
mépriser, c'est « parce qu'elles aiment ça ». Parfaitement répugnante,
l'hypothèse a l'inconvénient subsidiaire d'escamoter la question du
consentement de tant de femmes, non pas à telle ou telle violence
particulière, mais au système qui les engendre et les tolère. Or c'est
bien, semble-t-il, de rêve qu'il s'agit, ou si l'on préfère d'utopie.
En effet, la grande faiblesse du mouvement féministe et du mouvement
révolutionnaire est de n'être (plus) porteur d'aucune utopie amoureuse.
On peut considérer que le séparatisme lesbien constitue une exception,
mais il ne peut, par définition, prétendre à l'universalité. Nous sommes
donc démuni(e)s en face d'un système qui entretient, lui, avec des moyens
de persuasion à l'efficacité jamais atteinte dans l'histoire, l'utopie de
la rencontre/amoureuse/romantique débouchant sur la formation du
couple/exclusif/hétérosexuel (la variante homosexuelle est plus ou moins
tolérée).
L'utopie de l'amour romantique prépare les femmes à considérer que la
situation matérielle de domination dans laquelle elles se trouvent est
soit sans inconvénient lorsque le bonheur partagé est sans nuage, soit
dûe à une erreur dans le choix du partenaire, lorsque celui-ci se montre
violent, jaloux, pervers et pingre. La femme qui se croit dans la
situation de reconnaître une erreur de choix (qui existe aussi : elle
s'est réellement mise sous la dépendance d'un immature violent) se fait
donc le reproche, soit d'avoir mal choisi, soit pire encore d'avoir
elle-même perturbé le déroulement du scénario amoureux (puisqu'« il »
était « gentil » jusqu'à ce qu'elle parle de reprendre ses dîners du
lundi avec ses copines de fac...). En l'absence d'une utopie de rechange,
c'est-à-dire d'un autre imaginaire érotique et relationnel, en l'absence
aussi d'une analyse matérialiste de la situation économique, sociale, et
caractérielle de la femme dans le couple, on ne peut considérer les
catastrophes de la vie amoureuse que comme relevant de la dite sphère
privée, et surtout de la responsabilité personnelle.
Sheila Kitzinger écrit, à propos de la transmission de cette utopie, qui
passe certes par les magazines féminins, mais d'abord par les femmes
elles-mêmes : « Une femme qui se dit "frigide, perdue, et désespérément
seule", bien qu'elle soit mariée, n'envisage pas moins de déclarer à sa
fille : "Attends l'homme de ta vie. Tu sauras tout de suite que c'est
lui." [...] Une autre, dont le mari passe son temps à lui dire qu'elle
est grosse et qu'elle a des vergetures et qui déclare "avoir le moral à
zéro" depuis la naissance de ses enfants, dit à sa fille que "la
sexualité, c'est notre façon de mettre au monde de nouvelles âmes". Une
femme que son mari utilise "comme une poupée gonflable pour son plaisir"
trouve pourtant le moyen de dire à sa fille que "la sexualité est
l'expression d'un amour profond pour une autre personne et elle ne doit
pas être gaspillée ni rabaissée". Le rêve demeure intact, peut-être pour
le salut de la mère, même si la réalité paraît souvent lui avoir appris
exactement le contraire. Les femmes semblent pour la plupart ne pas
vouloir ou ne pas pouvoir utiliser leur expérience personnelle pour
savoir comment conseiller leurs filles. On dirait qu'entre les mères et
les filles se perpétue une délicate toile de mensonge, tissée au fil des
siècles, et que la femme adulte, n'ayant pas rencontré le prince
Charmant, ou ayant constaté qu'il s'était vite retransformé en crapaud,
veut à tout prix que sa fille vive l'histoire d'amour qui s'est révélée
pour elle parfaitement illusoire [2]. »
Certes, il est autrement plus difficile d'imaginer d'autres rapports
érotiques et affectifs que de dresser, par exemple, les plans d'une
maison solaire et autosuffisante. J'éprouve cette difficulté comme tout
le monde. Il est vrai aussi que du point de vue des femmes, toutes les
expériences sont piégées et doivent être abordées avec une lucidité que
l'état amoureux favorise rarement (cf. la critique a postériori des
expériences
communautaires ou de l'idée d'amour libre qu'on pouvait humer dans l'air
du temps des années 70, lequel était tout de même plus respirable). Rien
n'est donné, rien n'est acquis, voilà bien la seule règle de conduite,
d'ailleurs commune au mouvement des femmes et au mouvement
révolutionnaire.
Il me semble à la fois inévitable et souhatable, néanmoins, de nous
(re)pencher sur l'utopie pratique d'un nouveau monde amoureux, pour
reprendre l'expression chère à Fourier, où d'autres manières de vivre et
de satisfaire nos désirs, d'autres façons de nous rassurer les un(e)s les
autres, d'autres liens entre le personnel et l'universel nous donneraient
à nous et à l'humanité un horizon positif, une anticipation immédiatement
vécue de bonheur - inutile d'aller jusqu'au paradis, restons sur la
terre, qui est quelquefois si jolie...-, autrement plus désirable et plus
enthousiasmante qu'une loi-cadre.
Claude.
mercredi 17 novembre 2004.
On peut s'exprimer directement et/ou me contacter :
claude.guillon(a)internetdown.org
[1] Sur Pauline Léon, cofondatrice de la société, on peut se reporter à
mon livre Deux Enragés de la Révolution, Leclerc de Lyon et Pauline Léon,
La Digitale, 1993
[2] L'expérience sexuelle des femmes, Seuil, 1983, p. 214
[ texte repris du site http://claudeguillon.internetdown.org/ ]
Ecrit par libertad, le Samedi 5 Février 2005, 18:23 dans la rubrique Sexualité et amour libre.